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478 MÉLANGES D’HISTOIRE.

daux et autres actes ecclésiastiques lui montrèrent l’Église se resserrant, se fortifiant, devenant de plus en plus tyrannique contre les juifs et les hérétiques, supprimant la Bible, amoindrissant l’enseignement. Les registres de visites de l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, lui offrirent la plus riche source d’informations authentiques sur les mœurs du clergé. Il combattit les puériles idées qu’on s’est faites sur le moyen âge en se l’imaginant comme une époque de mœurs pures et de docile soumission. Il montra qu’en fait de révolte, d’opposition au clergé, de déclamations souvent injustes contre les prélats et contre Rome, le XIIIe siècle n’eut rien à envier au siècle de Luther. Une bonne fortune sous ce rapport lui fut réservée. Le curieux poëme de Gilles de Corbeil, médecin de Philippe-Auguste, intitulé Girapicra ad purgandos prœlatos, encore inédit, vint le trouver ; il en donna la première analyse étendue, et le rapprocha de tant d’autres piquantes satires que les hommes les plus attachés au christianisme dirigeaient alors contre le clergé. C’est quand on a su entendre ce cri universel de réprobation que l’on comprend combien la réforme était près d’aboutir au XIIIe siècle. Si elle tarde encore deux ou trois siècles à se faire, il faut l’attribuer aux énergiques mesures par lesquelles l’Église défendit son pouvoir.

Ces terribles annales de l’inquisition furent étudiées par M. Le Clerc avec un soin minutieux. Il réfuta une erreur fort répandue, selon laquelle l’inquisition n’aurait jamais légalement existé en France. Il montra les rigueurs qu’elle exerça, même dans la France du Nord, et considéra ces rigueurs comme une des causes qui changèrent en triste médiocrité un des plus brillants éveils intellectuels qui furent jamais.