Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/91

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aux races idéalistes, les ont devancées en bien des choses et sont parfois arrivées du premier bond aux résultats qui chez ces dernières ont été le fruit lent de la maturité ou de la décrépitude.

Et la Grèce, cette mère glorieuse de toute vraie civilisation, de toute science, de tout art, de toute philosophie, de toute éloquence, de toute vie noble, ne dut-elle pas quelque chose à l’Égypte ? Elle lui devrait beaucoup, s’il fallait en croire les assertions des Grecs eux-mêmes ; mais, chose étrange, les Grecs sont en pareille matière ceux qui doivent être le moins écoutés. Les Grecs, comme toutes les races fines, spirituelles, dégagées de préjugés, admiraient beaucoup les civilisations étrangères et volontiers les préféraient à la leur. Pendant que l’Égyptien borné s’imaginait, comme le mandarin chinois, que le cercle étroit où régnaient ses habitudes d’éducation était la limite du monde, les Grecs, guidés en ceci par une vue juste de l’antiquité de la monarchie des bords du Nil, aimaient à s’attribuer une origine égyptienne, et trouvaient en cette origine prétendue un titre de noblesse. Ne voyons-nous pas de même l’Anglais, à l’esprit lourd, étroit et absolu, n’admirer que l’Angleterre, ne parler que de l’Angleterre, tandis que le Français, libre de préjugés, ouvert à toutes les idées, passe sa vie à critiquer son pays, à simuler l’anglomanie ? Le fait est que, ni dans les découvertes de la philologie comparée, ni dans les renseignements positifs fournis par l’égyptologie, rien n’est venu donner une ombre de vraisemblance à ces colonies égyptiennes rattachées aux noms fabuleux d’Inachus, de Cécrops, de Danaüs. C’est à une époque relativement moderne, à l’époque de la dynastie saïte (665-