Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/98

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Ce qui a été détruit en ce laps de temps est incalculable. Les pourvoyeurs de musées ont couru le pays en vrais vandales ; pour obtenir un lambeau de tête, un fragment d’inscription, on a réduit en morceaux de précieux monuments. Presque tous revêtus d’un titre consulaire, ces avides destructeurs ont traité l’Égypte comme leur propriété. Plus d’une fois M. Mariette s’est vu arrêté dans ses fouilles par des gens qui sont venus alléguer des privilèges ou des droits prétendus sur les objets à découvrir en tel ou tel endroit. Cependant le pire ennemi des antiquités égyptiennes, c’est encore le voyageur anglais ou américain, systématiquement protégé dans tous ses méfaits par son consul. Les noms de ces idiots iront à la postérité, car ils ont pris soin de les écrire eux-mêmes, sur les monuments célèbres, en travers des dessins les plus délicats. C’est ainsi que les peintures inappréciables des grottes de Beni-Hassan ont presque disparu. Les plus beaux tombeaux de Biban-el-Molouk sont odieusement lacérés. Un endroit inappréciable des sculptures de Deir-el-Bahari (à Thèbes) fut volé quelques jours après que M. Mariette venait de le rendre au jour. On a proclamé le sage principe que les antiquités sont la propriété du gouvernement : des surveillances consciencieuses sont établies ; mais que faire contre un brutal étranger, qui arrive se moquant de toute loi, ne tient aucun compte du gardien, brûle la porte du monument, s’il y en a une, casse tout à son aise, et, si le gardien ose le toucher, se plaint à son consul, qui fait bâtonner le pauvre homme ? Les capitulations sont ainsi faites que de tels abus ne peuvent guère être réprimés.

Les destructions cependant se sont bien ralenties depuis