Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/127

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rapides progrès du choléra dans la direction fatale qu’il avait déjà suivie, et qui le mènerait dans les contrées que tu habites. Tantôt ou le dit à Odessa, tantôt à Jassy, tantôt à Moscou, on parle de précautions sur la frontière de Galicie. Grand Dieu ! on regarde donc l’au-delà comme sacrifié. Chère amie, songe bien qu’aucun calcul ne devrait tenir, si le fléau recommençait ses premières fureurs, qui, je me le rappelle, furent terribles en Pologne. J’ose croire quelquefois que les opulents chez qui tu habites calculeraient peu dans une pareille circonstance pour avoir la vie sauve. Je t’assure que je suis bien tourmenté de ces fatales nouvelles. Ce serait manquer cruellement à notre affection, chère amie, que de ne pas fuir le danger. Songe donc, ma sœur bien-aimée, ce que je serais sans toi ! Mon imagination se trouble quand j’y pense. Adieu, chère amie.

E. R.


MADEMOISELLE RENAN
au château de Clemensow près Zamosc, Pologne.


Paris, 5 décembre 1847.

Chère amie, bien que la lettre de mademoiselle Ulliac m’ait été remise il y a quelques jours, j’ai différé ma réponse jusqu’au dimanche, afin de pouvoir y consacrer un loisir que ce jour seul peut m’offrir. En effet les cours auxquels j’assiste