Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/143

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pour attendre jusque-là à t’écrire. — Mon Ernest, ne me dis pas non, ne me refuse pas, je t’en supplie. J’espère devancer la réponse où je crains de trouver des objections ; j’espère, dans dix ou douze jours, être plus heureuse que je ne l’ai été depuis six semaines. Il est impossible, absolument impossible que cette faible somme ne te soit pas nécessaire. La saison est cruellement rigoureuse ; je te demande, au nom de la plus vive amitié, de ne pas exposer tu santé en ne prenant aucune précaution contre ce froid si redoutable. Soigne aussi un peu ta toilette, cher ami. J’ai lu avec bien du plaisir dans ton avant-dernièro lettre, que M. Garnier avait ou l’aimable et bienveillante pensée de t’inviter chez lui avec une société d’élite. De pareilles circonstances peuvent se reproduire, cher Ernest, et je le désire de toute mon âme ; il faut donc que tu sois toujours en mesure de n’être en pareil cas différent de personne. J’ai souvent pensé que, pour des circonstances semblables, il serait peut-être bon que tu eusses un habit noir ; remarque si les autres invités sont en redingote, et mets-toi comme eux, je t’en supplie. Quelle que soit l’élévation des choses dont on s’occupe, il faut, dans des petitesses de cet ordre, tenir strictement à être comme tout le monde. C’est bien futile, mais c’est indispensable, surtout dans la jeunesse. Remarque la mise des autres, et aie soin, je t’en conjure, de t’y conformer. Quant à des vêtements chauds, je ne saurais croire que tu aies