Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/155

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en consoler ensemble, et en parler comme de misères d’autrefois. Cela viendra, excellente sœur, j’en ai la douce espérance. Le moment actuel sera dur peut-être, mais après tout je ne sais si au point de vue de mon intérêt personnel (j’évite soigneusement de mêler ici toute autre considération) je dois me réjouir ou être fâché de ce qui s’est fait. On a souvent fait la remarque que les capacités trouvaient un débouché beaucoup plus facile à l’époque de notre première Révolution, que durant l’époque de calme que nous venons de traverser. Il va y avoir de terribles revirements dans la haute Université, il me serait téméraire de viser si haut, mais ceux qui remplissent les places vides laisseront eux-mêmes des vides. J’épierai, sois-en sûre, le moment favorable. Mais Dieu me garde d’avoir l’air d’entrer dans les dépouilles de personne ! Les personnes sur lesquelles je pouvais compter vont malheureusement être jetées dans l’ombre, A moins d’un retour aux formes constitutionnelles, lequel n’est pas, il est vrai, absolument impossible. Je continue toujours mon travail pour l’Institut. Peut-être travaillé-je pour moi seul. Arrivera que pourra. Il me faut, je t’assure, de la force de volonté pour appliquer ma pensée à des recherches aussi spéciales au milieu de ces profondes émotions. Tandis que la fusillade retentissait de tous côtés, je discutais l’intéressante question, si Abélard avait su le grec ; des politiques me