Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/158

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Ton retour me semble désormais tout à fait indispensable. Peut-être même les choses sont-elles bien avancées, et un jour de retard pourrait-il désormais être funeste. Je viens de voir dans les journaux d’aujourd’hui que les sujets russes ont tous quitté Paris. Veux-tu que j’aille au-devant de toi, excellente amie ? Il est dans les devoirs du comte de te faire reconduire jusqu’à une certaine limite. Ne serait-il pas nécessaire que pour le reste du chemin un homme t’accompagnât ? Il est vrai que par ma mine et mon inexpérience, je puis à peine m’appeler un homme. Mais je suis ton frère, cela me donnera de la force. Réponds-moi immédiatement sur ce point important. Mais quelle que soit ta décision sur cette question secondaire, maintenons comme définitivement arrêté le point capital, le retour, et le retour sans délai. Il me semble maintenant que tu ne dois pas attendre le départ du consul  ; les événements qui se pressent et se préparent sont de telle nature qu’il n’y a qu’à se serrer le plus vite possible, sans compter sur quoi que ce soit. Au nom du ciel, ma bonne amie, ne me cause pas de mortelles angoisses, ne m’expose pas à une éternelle douleur. Que ferons-nous ensuite ? C’est ce que nous examinerons, chère amie. Sois persuadée que nous trouverons quelque honorable moyen d’existence. Et quand même notre état serait moins que de l’aisance, la sécurité avant tout. Je suis bien inquiet sur le mode de paiement des sommes qui te sont dues.