Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/168

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elle se trahit par des démonstrations publiques. Il y a des Montagnards et il y a des Girondins, et ils ont des représentants dans le gouvernement provisoire. L’Université est il peu près désorganisée. Dans une immense réunion de tout l’enseignement de Paris qui a eu lieu il y a quelques jours à la Sorbonne, elle s’est reniée comme corps, tous les mots qui pouvaient rappeler la moindre idée de corporation étaient repoussés et hués par la plèbe (maîtres d’études, etc.) qui ici comme partout forment la majorité. Les têtes sont désolées, consternées. Nulle part, la démocratie n’est plus complète. Plusieurs collèges sont licenciés, tous le seront probablement sans tarder. Je m’abstiens de tout. Relativement aux démarches au ministère, mes vues sont exactement les tiennes. Mon travail de l’Institut est presque terminé ; je n’aurai besoin de sursis que pour faire quelques appendices. M. Burnouf réunit chez lui son studieux auditoire. Il n’y a plus de place pour les cours au Collège de France. Toutes les salles sont affectées à des clubs ou à des corps de garde ! Mais nous nous retrouvons toujours les mêmes. Adieu, excellente amie, une lettre le plus tôt possible, et surtout un prompt retour.

E. R.


J’ai été dîner il y a quelques jours chez M. Garnier. C’était une profonde tristesse. Tous les habitués du salon étaient les satisfaits du