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passé ; quelques-uns même attachés personnellement à la cour ; M. Garnier, du reste, s’occupe peu de politique ; M. Saint-Marc-Girardin, qui devait faire partie du ministère Molé, est désolé. M. Cousin parle déjà du sort de Socrate.


MADEMOISELLE RENAN
chez monsieur le comte André Zamoyski, Nouveau-Monde, Varsovie, Pologne.


Paris, 3 avril 1848.

Tes deux dernières lettres m’ont un peu rassuré, chère amie, bien qu’elles soient loin d’avoir calmé toutes mes inquiétudes. Je ne serai tranquille, que quand tu seras près de nous. Dans ces jours de bouleversement, il ne reste qu’à se serrer l’un contre l’autre, et à attendre le sort commun. Je sais, chère amie, combien l’éloignement grossit les terreurs, et nos journaux, il faut l’avouer, exercent terriblement sous ce rapport nos imaginations. Il y a quelques jours, on nous contait avec détail comment Varsovie avait été bombardée et était en cendres. Par un rare bonheur, j’avais ton avant-dernière datée du jour même ou avait dû se passer cette terrible catastrophe. Je fais justice de ces bruits sans autorité qu’on sème pour éveiller notre public, ou promettant la confirmation au lendemain ; mais avoue toutefois, chère amie, que sans être