Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/187

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aussi inopportun de vouloir prolonger son règne qu’injuste de méconnaître les services qu’il a rendus. Il a d’ailleurs assez de vie pour fournir une nouvelle carrière intellectuelle, et je crois qu’il le fera. Dans cet interrègne de la philosophie, que je regretterai peu de voir se prolonger, ma résolution est prise de ne pas me gêner pour la libre manifestation de mon esprit et de mes opinions. Dans le temps où nous sommes, les calculs et la politique sont devenus à peu près inutiles ; car le calcul fait en vue d’aujourd’hui sera un embarras pour demain. Ce qu’il y a de plus court, c’est de jouer cartes sur table. Que je suis heureux d’étre resté complètement à l’écart des faveurs officielles de l’ancien régime ! Ce sont maintenant de mauvais précédents.

J’imprime beaucoup en ce moment. La prodigieuse surexcitation de la presse quotidienne laisse les revues et les autres publications scientifiques dans une sorte de pénurie. Je n’ai qu’à leur couper des tranches dans les travaux divers que j’ai dans mes cartons. Sans m’occuper directement de questions pratiques, je ne fais pas difficulté de me mêler un peu de l’actuel, en ne sortant jamais, bien entendu, des principes. Si j’avais du loisir, je grouperais sous ce titre : De l’avenir de la science, une foule d’idées qui me travaillent sur ce sujet, depuis le grand éveil. Somme toute, chère amie, ne t’alarme trop ni pour notre patrie ni pour moi. Je ne puis te parler ici que de ce qui m’est personnel : mais je t’assure