Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/192

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d’assister au remarquable mouvement des esprits dont nous sommes les témoins. Ce n’est pas comme autrefois une simple affaire de coterie entre gens du même parti ou au moins de mêmes principes ; il y a de la doctrine là-dessous, et peut-être plus encore.

Il y a vingt ans, M. Jouffroy écrivait un admirable morceau : Comment les dogmes finissent ; il y en aurait un autre non moins de circonstance à écrire aujourd’hui : Comment les dogmes se forment.

Adieu, excellente amie, écris-moi bientôt, et continue-moi celle affection qui fait le charme de ma vie. Que de fois ta pensée m’est nécessaire pour tenir ferme le gouvernail, et ne pas tout confier au vent qui souffle ! Tout pour toi, excellente soeur.

E. RENAN.


POUR MON FRÈRE.


Paris, 18 juin 1848.

Oh ! que j’ai besoin de l’écrire, mon Ernest bien-aimé ! que j’ai trouvé long et pénible le silence que je me suis si sottement imposé envers toi le mois dernier ! Vingt fois avant la réception de la seconde lettre, j’ai été sur le point de le rompre, tant me semblait douloureux ce retard à chercher près de toi quelques forces, et tant aussi il me paraissait déraisonnable de me causer