Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/234

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surtout au genre d’influence que je veux exercer, si tant est que je me décide jamais à en essayer une dans cet ordre de choses. Toutefois dans ce que j’écris, je prends garde de ne rien mettre qui ne soit l’expression vraie de ma pensée. Mais en évitant ou en tournant les questions épineuses, cela n’a rien de compromettant. Voila certes un programme d’une extrême prudence ; n’est-ce pas, chère amie ? C’est qu’en effet, si je suis passablement hardi en pensée, je suis en pratique timide et cauteleux jusqu’à l’excès. Calme donc sur ce point toutes tes inquiétudes. Ce ne sera que dans une période bien ultérieure de ma vie que je changerai de conduite à cet égard.

Quant à l’agrégation, chère amie, maintenant comme autrefois, mais pas plus qu’autrefois, il m’en coûtera de m’assujettir à un programme officiel ; maintenant comme autrefois, je voudrais une liberté de l’enseignement bien entendue. Mais je le répète, là-dessus j’ai pris mon parti, et il me sera aussi facile d’annuler ma personnalité dans un enseignement de collège, dont je m’acquitterai toujours par manière d’acquit et comme d’une corvée, que cela m’est facile dans toute ma conduite actuelle. J’ai toujours voulu des réformes dans l’Université, mais non une révolution ; parce que là les réformes sont possibles sans révolution. J’avais vu avec dégoût dans les premiers jours qui suivirent la révolution de février, les criailleries des subalternes et des imbéciles s’élever contre elle ; je l’ai vue avec plaisir se raffermir.