Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/366

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et Geoffroy Saint-Hilaire ne se fît pas scrupule de mettre à profît pour la science la plus injuste des guerres, celle d’Espagne.

Je suis loin du reste, chère amie, de regarder cette affaire comme terminée. J’ai peine à croire que l’attention de M. de Falloux se soit encore portée sur mon nom, et je n’espère pas de lui la même faveur que de M. Gépin. Il est vrai qu’il ne s’occupe en aucune façon de son ministère : il est tout entier a la haute politique. D’ailleurs, le dirai-je, j’ai peine à souhaiter définitivement la réussite de cette affaire. J’y vois de très réels avantages, mais aussi de graves inconvénients. D’abord il faudrait encore renoncer pour l’un prochain à une position officielle, ensuite cette faveur ne me plait pas, plusieurs la comprendront mal, y verront coterie ou commérage, ou déloyale fluctuation. Cela pourrait nuire au caractère qui commence à se former de moi dans l’opinion de plusieurs. Et puis ce qui me tient le plus au cœur, c’est que mon cher ouvrage[1], l’os de mes os et la chair de ma chair, sera encore ajourné. A peine dans un an à cette époque serait-il publié. Sera-t-il alors de circonstance ? Correspondra-t-il encore à ma pensée ? Non : il est indubitable que ce voyage, s’il s’exécute, révolutionnera considérablement mes manières de voir et de sentir. Je voudrai le refaire, et je retomberai dans mon éternel défaut, qu’on commence déjà

  1. L’Avenir de la Science