Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/388

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Colisée est trop métamorphosé, trop échafaudé, trop dévié par d’autres souvenirs et d’autres impressions. Après avoir vu tous les temples de Rome, je maintiens qu’il n’en est aucun qui fasse comprendre l’économie intérieure d’un temple antique (galeries secrètes, cachettes, salles pour les prêtres, etc.) comme le temple de Diane, et parmi les plus belles ruines du Palatin et du Mont Cœlius, je n’en vois aucune d’un plus grand effet que cette immense ruine grecque ou phénicienne qui domine tout le bassin de Nîmes et qu’on appelle la Tour Magne. Combien j’ai regretté de n’avoir pu voir le pont du Gard, si supérieur lui-même à ces aqueducs, qui constituent les restes les plus insignes que la Rome ancienne ait légués à la Rome moderne ! Nîmes, ma chère amie, fut pour moi une Rome anticipée, Nîmes recueillit les prémices de ce goût vif de l’antique qu’inspirent ces régions du Midi où la civilisation compte une assise de plus que dans le Nord. Mais que dire d’Arles ? Arles, mon amie, mériterait à elle seule un voyage dans le Midi. Arles, c’est la Province romaine tout entière ; je l’ai vue à la hâte ; je réserve Arles et Aix pour notre prochain voyage dans ces belles et curieuses contrées. Marseille et Toulon sont deux villes modernes, et n’ont aucune physionomie : c’est la France. Le nom de ville moderne peut paraître une étrange bévue historique, pour la première surtout de ces deux villes. Mais cela est triste a dire  ; la mère des colonies grecques du Midi, l’ionienne Massilie,