Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/396

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faire la connaissance de M. Visconti ; tous les jeudis soirs, nous trouvons dans ses salons toute la société artistique et littéraire de Rome, et par-dessus tout une musique incomparable et des collections d’objets d’art dont rien ne peut donner une idée dans notre France mesquine et bourgeoise. M. Visconti est personnellement un des plus beaux modèles de l’union de la science, de l’art et du plus noble caractère. Il se dit Français à demi, et est en effet bien dépaysé au milieu de ce peuple déplorable. Pour avoir seul consenti à recevoir les officiers français, il s’est vu menacé de l’incendie et du poignard, et ce n’est pas sans un profond sentiment de tristesse que nous échangions avec le général Mollière cette réflexion, que cette loyale et noble hospitalité qu’il nous donnait, il la paierait probablement un jour de sa vie, que ces collections d’une délicatesse infinie, seraient un jour pillées et brisées ! Ainsi vont les choses ! L’espace me manque, ma chère amie. Nous sommes logés à l’hôtel français de la Minerve, place de la Minerve : c’est un point bien central ; nous y sommes très bien, au milieu de Français, d’officiers, d’attachés à l’ambassade, etc. Écris-moi bien vite. J’ai reçu une lettre de maman. Les nouvelles de Saint-Malo sont très bonnes. Ton frère tout aimant,

E. RENAN.