Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/419

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Nisida, Caprée, Sorrente, Castellamare, Pompéï, Portici, la Cava, Salerne, Pæstum. Demain nous allons au Vésuve et à Herculanum. Pompéï est inappréciable : une ville romaine en plein soleil ! Mais que je préfère Pæstum ! Une ville dorienne du viiie ou ixe siècle avant J.-C., conservée dans ses édifices principaux, avec son enceinte cyclopéenne, et ses temples étranges dont l’architecture n’a pas d’analogue ! Pæstum nous a bien récompensés des peines qu’il nous a coûtées. Ces admirables ruines sont situées dans un affreux désert, au milieu de marécages presque inabordables en cette saison, et à une journée de Salerne. Là, nous avons planté nos colonnes d’Hercule vers le midi. Ce n'est pas sans tristesse que je me disais en revenant que désormais je tournerais le dos au soleil. Rien ne peut te donner une idée, chère amie, de la sauvagerie de ce pays et de ses habitants : Salerne peut être considéré comme la limite de la civilisation vers le sud. Je ne puis te dire l’étrange impression que j’ai éprouvée on me trouvant ainsi subitement en pleine barbarie. Quoi ! je ne suis qu’à six ou sept jours de Paris, et je suis au bout de la civilisation ! Au centre, on croit la circonférence éloignée à l’infini ; quelle surprise quand on vient s’y heurter, comme un homme qui donne du nez contre un mur qu’il croyait bien loin devant lui !

Toutes ces courses, chère amie, n’ont rien dérobé au temps que nous aurions pu donner à nos recherches scientifiques. La prudence me