Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/428

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Je l’ai retrouva ici tout entier, non plus dans la fiction, mais dans la réalité. Quels types admirables de résignation douce, de délicatesse morale, de culture intellectuelle, j’ai rencontrés sous ces capuchons de moines ! Des jeunes gens surtout ; j’en ai trouvé deux ou trois, dont l’image ne s’effacera jamais de mon souvenir, comme la mienne, je crois, ne leur sera jamais indifférente. Ah ! que nous étions faits pour nous comprendre ! J’ai retrouvé la toutes mes années d’autrefois, mes doutes, mes combats, mes hésitations. J’ai fait ce que je devais faire, étant Français ; et je crois qu’ils font ce qu’ils doivent faire, étant Italiens. Le salut de l’Italie viendra des moines. Oh ! avec quelles délices, nous nous sommes ouverts l’un à l’autre, nous nous sommes conté notre odyssée. Ils me portent envie, et me parlent de la France, ou il est bien probable que plusieurs d’entre eux devront un jour chercher asile. Et moi je leur disais que dans toute situation, on peut mener la noble vie, que, pour faire de belles choses en Italie, il faut être prêtre ou moine, que l’évolution des idées modernes en ce pays doit se faire sous forme religieuse. Ils comprennent cela à merveille ; ils me lisent et m’apprennent à admirer les Inni de Manzoni, admirables expressions de ce christianisme moral, auquel se rattachent toutes les intelligences élevées de l’Italie contemporaine, et auquel pour mu part je me rallierais si volontiers, à condition qu’on me laissât carte blanche pour la critique dogmatique et historique. Nous travaillons