Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/435

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Les propositions de M. Gauguin ne peuvent être prises au sérieux, et ne peuvent entrer en ligne de compte dans une délibération aussi grave. Tu me dis que tu dois rester à l’étranger jusqu’à ce que cette malheureuse discussion soit apaisée. Oh ! par exemple, ma chère amie, c’est trop fort. Elle est apaisée, j’espère, il n’en peut plus être question, et puis, que nous importe ? Ne parlons plus de cette raison-la, au nom du ciel. Quant aux difficultés qui pourraient venir du comte, elles ne sauraient être plus sérieuses. Le terme de dix années est arrivé : il s’agit de savoir si tu partiras trois mois auparavant, ou trois mois après. Il y a, pour avancer ton départ, des motifs si raisonnables que le comte ne peut refuser de s’y rendre. Je suis égoïste peut-être, mais c’est que je t’aime ; je ne peux plus vivre sans toi, non, je ne puis concevoir comment à mon retour d’Italie, je reprendrais ma triste vie d’hôtel garni et de restaurant, si ingrate, si peu digne, si onéreuse, si mauvaise pour mon tempérament. Il faut que nous soyons réunis au mois d’octobre prochain, j’en ai formé l’espérance, je la nourris là dans mon cœur, tu ne me l’arracheras pas, bonne amie.

Que ce point-là ne soit plus sujet à controverse, je t’en supplie. Maintenant quand et comment s’opérera notre réunion ? Je t’ai dit mes désirs, plus que jamais je voudrais que nous rentrassions ensemble dans notre patrie. Mais j’accorde que ce plan souffre quelques objections, et bien