Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/436

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qu’elles soient amplement compensées par les avantages, je ne voudrais pas sur ce point faire violence à ta manière de voir. Le voyage de Venise ou Vienne serait mon plus doux rêve : dis-moi que tu y consens, et nous fixons les jours, et je pars. Mais d’un autre côté la route de Berlin à Paris est si simple, si facile, que je te verrais, avec regret sans doute, puisque je serais privé du bonheur de t’accompagner, mais enfin sans inquiétude, prendre la route du nord. Tels sont les deux pôles entre lesquels je te laisse toute latitude, le mois de mars ou le mois de septembre, Venise ou Berlin. Mais tout autre plan, n’en parlons pas, chère Henriette.

Que te dirai-je donc de la proposition que tu m’adresses et qui, en toute autre hypothèse, m’eût ravi de joie, celle du voyage de Vienne ou de Venise, non pas pour nous retrouver et revenir ensemble, mais pour nous voir et puis nous séparer ? Inutile de te dire, chère amie, que cette entrevue eût été ma plus douce joie, si tu ne m’avais permis d’espérer davantage ; inutile de te dire que je serais inconsolable de l’avoir refusée, si la fatalité reculait encore le terme de notre bonheur. Et pourtant, ma bien-aimée, telle est ma confiance, tel est mon désir, que fermement et réflexion faite, je dis non à ce projet d’ailleurs si cher. Non, parce que nous revoir un instant, ce serait ajourner la réunion définitive. Non, parce que ce serait renoncer à nos promesses réciproques, reconnaître que ton retour peut être