Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/437

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reculé au delà du terme de dix années, pensée horrible, qui n’a pu entrer dans ton esprit. O Dieu ! tu ne me soupçonneras bien sûr jamais de n’être pas pressé de te voir. Mais j’aime mieux, chère amie, retarder ce bonheur, j’aime mieux m’en priver pour un temps que d’ajourner un vœu plus cher, et de te dire encore une fois adieu. Oh ! non, non, cela ne sera pas. Tu reviendras cette année, par Vienne ou par Berlin. Nous nous reverrons à Venise ou à Paris. Mais ce sera cette fois pour toujours, et sans qu’il puisse être question de séparation. Et puis, comme tu le dis, les difficultés pour ce voyage seraient presque aussi grandes que pour un retour définitif. Parlons donc seulement de celui-ci.

Ce que tu me dis de la santé ne serait-il pas suffisant pour me rendre inébranlable dans ma volonté ? Tu me perces le cœur quand tu me parles de ces affreux pressentiments. Grand Dieu ! y penses-tu ? me parler de ces choses, et toi, y penser, t’arrêter à de telles idées ! Il faut ne pas penser à cela, ma chère amie. Dis-moi toujours quand tu seras malade, mais jamais ne t’abandonne à de tels cauchemars. Mourir en Pologne, loin de moi, oh ! Henriette, qu’avais-tu, le jour ou tu fis ce mauvais rêve ?

Daremberg me quitte dans trois ou quatre jours. Il n’est pas bien décidé si je resterai après lui à Florence, ou si je me rendrai avec lui à Livourne, si je retournerai à Rome par mer, par