Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/478

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Venise. Dans le doute, j’ai même employé deux moyens : j’ai adressé une lettre au consulat, et l’autre poste restante. J’espère que tu les recevras toutes deux, que tu les auras même avant diverses autres missives que j’ai adressées précédemment à M. Daremberg et qui étaient écrites au milieu de vives et graves souffrances. Je te répète, cher ami, qu’en ce moment je suis mieux, infiniment mieux, tout à fait eu voie de guérison  ; mais depuis ma lettre numéro 8, adressée à Rome, j’ai été dans un bien triste état. Dans les jours qui suivirent celui où je te l’adressai, le mal de gorge dont j’étais atteinte fit de grands progrès ; j’arrivai à ne respirer qu’avec douleur, et à ne pouvoir prononcer un seul mot sans les plus vives souffrances. Et j’étais toujours dans le désert de Clemensow, avec une température de quinze degrés au-dessous de zéro ; impossible de me procurer du secours, impossible de partir ! Le 8 avril, le temps s’adoucit un peu ; je déclarai que je voulais partir tout de suite pour Varsovie, afin d’avoir au moins l’avis d’un médecin. J’eus a vaincre beaucoup d’obstacles ; mais je pensai à notre mère, à toi, mon cher Ernest, je ne fléchis point et je partis le 4. J’arrivai très fatiguée, mais contente de m’être rapprochée des miens, d’avoir enfin l’avis d’un homme éclairé, m’inspirant toute confiance. Dès que le médecin que je venais chercher de soixante lieues eut visité ma gorge, il me dit que ce mal, causé par le froid, était déjà passé à l’état chronique ; que c’était grave, qu’il fallait y