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MADEMOISELLE RENAN.


Venise, 17 mai 1850.

Avec quelles émotions diverses, ma chère amie, j’ai parcouru la triste chronologie de tes souffrances, telle que me l’ont apprise les nombreuses lettres de toi que j’ai trouvées ici ! Les nouvelles indirectes que j’avais trouvées à Bologne ne m’avaient pas fait supposer à ton mal une telle gravité. Quelques expressions de tes lettres m’ont fait frissonner, ma bonne amie. Mon Dieu ! ne te disais-je pas bien qu’en prolongeant ton séjour sous ce climat déplorable, tu nous préparais de terribles angoisses ! Je ne puis croire, ma chère Henriette, que tu cherches à me rassurer au delà de ce qui est la pure vérité sur les progrès de ton rétablissement. Ce serait là un jeu bien cruel, une faute contre laquelle la droiture de ton jugement me rassure. Je n’ai pu lire pourtant sans une vive peine que tu avais écrit à M. Daremberg de ne pas m’envoyer tes premières lettres, où tu me disais la vérité. Est-il possible qu’après nous être tant de fois promis la plus parfaite franchise, tu aies pu concevoir une telle idée ? Combien d’ailleurs, ma chère amie, les consolantes nouvelles que tu me fais parvenir sous des dates plus récentes, laissent encore de place à l’inquiétude ! je vois bien que de longtemps nous ne pouvons espérer une parfaite sécurité. Je ne puis