Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/52

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vèrent fut la conséquence de ce qu’il y avait de respectablement borné dans leur manière d’envisager l’univers.

II

L’éducation que ces bons prêtres me donnaient était aussi peu littéraire que possible. Nous faisions beaucoup de vers latins ; mais on n’admettait pas que, depuis le poème de la Religion de Racine le fils, il y eût aucune poésie française. Le nom de Lamartine n’était prononcé qu’avec ricanement ; l’existence de Victor Hugo était inconnue. Faire des vers français passait pour un exercice des plus dangereux et eût entraîné l’exclusion. De là vient en partie mon inaptitude à laisser ma pensée se gouverner par la rime, inaptitude que j’ai depuis bien vivement regrettée ; car souvent le mouvement et le rythme me viennent en vers ; mais une invincible association d’idées me fait écarter l’assonance, que l’on