Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/97

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parut comme un gros palefrenier allemand ; nos chevaliers me semblèrent des lourdauds, dont Thémistocle et Alcibiade eussent souri. Il y a eu un peuple d’aristocrates, un public tout entier composé de connaisseurs, une démocratie qui a saisi des nuances d’art tellement fines que nos raffinés les aperçoivent à peine. Il y a eu un public pour comprendre ce qui fait la beauté des Propylées et la supériorité des sculptures du Parthénon. Cette révélation de la grandeur vraie et simple m’atteignit jusqu’au fond de l’être. Tout ce que j’avais connu jusque-là me sembla l’effort maladroit d’un art jésuitique, un rococo composé de pompe niaise, de charlatanisme et de caricature.

C’est principalement sur l’Acropole que ces sentiments m’assiégeaient. Un excellent architecte avec qui j’avais voyagé avait coutume de me dire que, pour lui, la vérité des dieux était en proportion de la beauté solide des temples qu’on leur a élevés. Jugée sur ce pied-là, Athéné serait au-dessus de toute rivalité. Ce qu’il y a de surprenant, en effet,