Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

discordances. L’un d’eux mettrait Wagram avant Marengo ; l’autre écrirait sans hésiter que Napoléon chassa des Tuileries le gouvernement de Robespierre ; un troisième omettrait des expéditions de la plus haute importance. Mais une chose résulterait certainement avec un haut degré de vérité de ces naïfs récits, c’est le caractère du héros, l’impression qu’il faisait autour de lui. En ce sens, de telles histoires populaires vaudraient mieux qu’une histoire solennelle et officielle. On en peut dire autant des Évangiles. Uniquement attentifs à mettre en saillie l’excellence du maître, ses miracles, son enseignement, les évangélistes montrent une entière indifférence pour tout ce qui n’est pas l’esprit même de Jésus. Les contradictions sur les temps, les lieux, les personnes, étaient regardées comme insignifiantes ; car, autant on prêtait à la parole de Jésus un haut degré d’inspiration, autant on était loin d’accorder cette inspiration aux rédacteurs. Ceux-ci ne s’envisageaient que comme de simples scribes et ne tenaient qu’à une seule chose : ne rien omettre de ce qu’ils savaient[1].

Sans contredit, une part d’idées préconçues dut se mêler à de tels souvenirs. Plusieurs récits, surtout

  1. Voir le passage précité de Papias.