Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/104

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l’on raisonna ainsi : « Le Messie doit faire telle chose ; or, Jésus est le Messie ; donc Jésus, a fait telle chose. » Tantôt on raisonna à l’inverse : « Telle chose est arrivée à Jésus ; or, Jésus est le Messie ; donc, telle chose devait arriver au Messie[1]. » Les explications trop simples sont toujours fausses quand il s’agit d’analyser le tissu de ces profondes créations du sentiment populaire, qui déjouent tous les systèmes par leur richesse et leur infinie variété.

À peine est-il besoin de dire qu’avec de tels documents, pour ne donner que de l’incontestable, il faudrait s’en tenir aux lignes générales. Dans presque toutes les histoires anciennes, même dans celles qui sont bien moins légendaires que celles-ci, le détail prête à des doutes infinis. Quand nous avons deux récits d’un même fait, il est extrêmement rare que les deux récits soient d’accord. N’est-ce pas une raison, quand on n’en a qu’un seul, de tomber en bien des perplexités ? On peut dire que, parmi les anecdotes, les discours, les mots célèbres rapportés par les historiens, il n’y en a pas un de rigoureusement authentique. Y avait-il des sténographes pour fixer ces paroles rapides ? Y avait-il un annaliste

  1. Voir, par exemple, Jean, xix, 23-24.