Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/138

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de moins en moins pour la terre et se laissait de plus en plus absorber par le travail étrange qui s’opérait en son sein. Le monde, distrait par d’autres spectacles, n’a nulle connaissance de ce qui se passe en ce coin oublié de l’Orient. Les âmes au courant de leur siècle sont pourtant mieux avisées. Le tendre et clairvoyant Virgile semble répondre, comme par un écho secret, au second Isaïe ; la naissance d’un enfant le jette dans des rêves de palingénésie universelle[1]. Ces rêves étaient ordinaires et formaient comme un genre de littérature, que l’on couvrait du nom des sibylles. La formation toute récente de l’Empire exaltait les imaginations ; la grande ère de paix où l’on entrait et cette impression de sensibilité mélancolique qu’éprouvent les âmes après les longues périodes de révolution faisaient naître de toute part des espérances illimitées.

En Judée, l’attente était à son comble. De saintes personnes, parmi lesquelles la légende cite un vieux Siméon, auquel on fait tenir Jésus dans ses bras, Anne, fille de Phanuel, considérée comme prophé-

  1. Égl. iv. Le Cumæum carmen (v. 4) était une sorte d’apocalypse sibylline, empreinte de la philosophie de l’histoire familière à l’Orient. Voir Servius sur ce vers, et Carmina sibyllina, III. 97-817. Cf. Tac.. Hist., V, 13 ; Suet., Vesp.; 4, Jos., B. J., VI. v, 4.