Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/141

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dans sa légende, à le faire naître à Bethléhem. Nous verrons plus tard[1] le motif de cette supposition, et comment elle était la conséquence obligée du rôle messianique prêté à Jésus[2]. On ignore la date pré-

    n’eut lieu qu’après la déposition d’Archélaüs, c’est-à-dire dix ans après la mort d’Hérode, l’an 37 de l’ère d’Actium (Josèphe, Ant., XVII, xiii, 5 ; XVIII, i, 1 ; ii, 1). L’inscription par laquelle on prétendait autrefois établir que Quirinius fit deux recensements est reconnue pour fausse (V. Orelli, Insc. lat., no 623, et le supplément de Henzen, à ce numéro ; Borghesi, Fastes consulaires [encore inédits], à l’année 742). Quirinius peut avoir été deux fois légat de Syrie ; mais le recensement n’eut lieu qu’à sa seconde légation (Mommsen, Res gestæ divi Augusti, Berlin, 1865, p. 111 et suiv.). Le recensement, en tout cas, se serait appliqué aux parties réduites en province romaine, et non aux royaumes et aux tétrarchies, surtout du vivant d’Hérode le Grand. Les textes par lesquels on cherche à prouver que quelques-unes des opérations de statistique et de cadastre ordonnées par Auguste durent s’étendre au domaine des Hérodes, ou n’impliquent pas ce qu’on leur fait dire, ou sont d’auteurs chrétiens, qui ont emprunté cette donnée à l’Évangile de Luc. Ce qui prouve bien, d’ailleurs, que le voyage de la famille de Jésus à Bethléhem n’a rien d’historique, c’est le motif qu’on lui attribue. Jésus n’était pas de la famille de David (v. ci-dessous, p. 246-248), et, en eût-il été, on ne concevrait pas encore que ses parents eussent été forcés, pour une opération purement cadastrale et financière, de venir s’inscrire au lieu d’où leurs ancêtres étaient sortis depuis mille ans. En leur imposant une telle obligation, l’autorité romaine aurait sanctionné des prétentions pour elle pleines de menaces.

  1. Ch. xv.
  2. Matth.,ii, 1 et suiv. ; Luc, ii, 1 et suiv. L’absence de ce récit dans Marc, et les deux passages parallèles, Matth., xiii, 54,