Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/18

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Et qu’on ne dise pas qu’une telle manière de poser la question implique une pétition de principe, que nous supposons a priori ce qui est à prouver par le détail, savoir que les miracles racontés par les Évangiles n’ont pas eu de réalité, que les Évangiles ne sont pas des livres écrits avec la participation de la Divinité. Ces deux négations-là ne sont pas chez nous le résultat de l’exégèse ; elles sont antérieures à l’exégèse. Elles sont le fruit d’une expérience qui n’a point été démentie. Les miracles sont de ces choses qui n’arrivent jamais ; les gens crédules seuls croient en voir ; on n’en peut citer un seul qui se soit passé devant des témoins capables de le constater ; aucune intervention particulière de la Divinité ni dans la confection d’un livre, ni dans quelque événement que ce soit, n’a été prouvée. Par cela seul qu’on admet le surnaturel, on est en dehors de la science, on admet une explication qui n’a rien de scientifique, une explication dont se passent l’astronome, le physicien, le chimiste, le géologue, le physiologiste, dont l’historien doit aussi se passer. Nous repoussons le surnaturel par la même raison qui nous fait repousser l’existence des centaures et des hippogriffes : cette raison, c’est qu’on n’en a jamais vu. Ce n’est pas parce qu’il m’a été préalablement démontré que les évangélistes ne méritent pas une créance absolue que je rejette les miracles qu’ils racontent. C’est parce qu’ils racontent des miracles que je dis : « Les Évangiles sont des légendes, ils peuvent contenir de l’histoire, mais certainement tout n’y est pas historique. »

Il est donc impossible que l’orthodoxe et le rationaliste qui nie le surnaturel puissent se prêter un grand secours en de pareilles questions. Aux yeux des théologiens, les Évangiles et les livres bibliques en général sont des livres