Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/192

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d’impressions égalent celle qu’on éprouve en s’y établissant pour le campement du soir. La vallée est étroite et sombre ; une eau noire sort des rochers percés de tombeaux, qui en forment les parois. C’est, je crois, la « Vallée des pleurs », ou des eaux suintantes, chantée comme une des stations du chemin dans le délicieux psaume lxxxiv[1], et devenue, pour le mysticisme doux et triste du moyen âge, l’emblème de la vie. Le lendemain, de bonne heure, on sera à Jérusalem ; une telle attente, aujourd’hui encore, soutient la caravane, rend la soirée courte et le sommeil léger.

Ces voyages, où la nation réunie se communiquait ses idées, et qui créaient annuellement dans la capitale des foyers de grande agitation, mettaient Jésus en contact avec l’âme de son peuple, et sans doute lui inspiraient déjà une vive antipathie pour les défauts des représentants officiels du judaïsme. On veut que le désert ait été pour lui une autre école, et qu’il y ait fait de longs séjours[2]. Mais le Dieu qu’il trouvait là n’était pas le sien. C’était tout au plus le Dieu de Job, sévère et terrible, qui ne rend raison à personne. Parfois c’était Satan qui venait le

  1. lxxxiii selon la Vulgate, v. 7.
  2. Luc, iv, 42 ; v, 16.