Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/197

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développement des produits vivants est partout le même, et il n’est pas douteux que la croissance d’une personnalité aussi puissante que celle de Jésus n’ait obéi à des lois très-rigoureuses. Une haute notion de la Divinité, qu’il ne dut pas au judaïsme, et qui semble avoir été la création de sa grande âme, fut en quelque sorte le germe de son être tout entier. C’est ici qu’il faut le plus renoncer aux idées qui nous sont familières et à ces discussions où s’usent les petits esprits. Pour bien comprendre la nuance de la piété de Jésus, il faut faire abstraction de tout ce qui s’est placé entre l’Évangile et nous. Déisme et panthéisme sont devenus les deux pôles de la théologie. Les chétives discussions de la scolastique, la sécheresse d’esprit de Descartes, l’irréligion profonde du xviiie siècle, en rapetissant Dieu, et en le limitant en quelque sorte par l’exclusion de ce qui n’est pas lui, ont étouffé au sein du rationalisme moderne tout sentiment fécond de la Divinité. Si Dieu, en effet, est un être déterminé hors de nous, la personne qui croit avoir des rapports particuliers avec Dieu est un « visionnaire », et comme les sciences physiques et physiologiques nous ont montré que toute vision surnaturelle est une illusion, le déiste un peu conséquent se trouve dans l’impossibilité de comprendre les grandes croyances du passé. Le pan-