Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/199

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avec Dieu, il se croit fils de Dieu. La plus haute conscience de Dieu qui ait existé au sein de l’humanité a été celle de Jésus.

On comprend, d’un autre côté, que Jésus, partant d’une telle disposition d’âme, ne sera nullement un philosophe spéculatif comme Çakya-Mouni. Rien n’est plus loin de la théologie scolastique que l’Évangile[1]. Les spéculations des docteurs grecs sur l’essence divine viennent d’un tout autre esprit. Dieu conçu immédiatement comme Père, voilà toute la théologie de Jésus. Et cela n’était pas chez lui un principe théorique, une doctrine plus ou moins prouvée et qu’il cherchait à inculquer aux autres. Il ne faisait à ses disciples aucun raisonnement[2] ; il n’exigeait d’eux aucun effort d’attention. Il ne prêchait pas ses opinions, il se prêchait lui-même. Souvent des âmes très-grandes et très-désintéressées présentent, associé à beaucoup d’élévation, ce caractère de perpétuelle attention à elles-mêmes et d’extrême sus-

  1. Les discours que le quatrième Évangile prête à Jésus renferment un germe de théologie. Mais, ces discours étant en contradiction absolue avec ceux des Évangiles synoptiques, lesquels représentent sans aucun doute les Logia primitifs, ils doivent compter pour des documents de l’histoire apostolique, et non pour des éléments de la vie de Jésus.
  2. Voir Matth., ix, 9, et les autres récits analogues.