Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

religion, le culte monothéiste, la piété[1]. Dans les derniers temps de sa vie, Jésus crut, à ce qu’il semble, que ce règne allait se réaliser matériellement par un brusque renouvellement du monde. Mais sans doute ce ne fut pas là sa première pensée[2]. La morale admirable qu’il tire de la notion du Dieu père n’est pas celle d’enthousiastes qui croient le monde près de finir et qui se préparent par l’ascétisme à une catastrophe chimérique : c’est celle d’un monde qui veut vivre et qui a vécu. « Le royaume de Dieu est parmi vous, » disait-il à ceux qui cherchaient avec subtilité des signes extérieurs de sa venue future[3]. La conception réaliste de l’avénement divin n’a été qu’un nuage, une erreur passagère que la mort a fait oublier. Le Jésus qui a fondé le vrai royaume de Dieu, le royaume des doux et des humbles, voilà le Jésus des premiers jours[4], jours chastes

  1. Mischna, Berakoth, ii, 1,3 ; Talmud de Jérusalem, Berakoth, ii, 2 ; Kidduschin, i, 2 ; Talm, de Bab., Berakoth, 15 a ; Mekilta, 42 b ; Siphra, 170 b. L’expression revient souvent dans les Midraschim.
  2. Matth., v, 10 ; vi, 10, 33 ; xi, 11 ; xii, 28 ; xviii, 4 ; xix, 12 ; Marc, x, 14, 15 ; xii, 34 ; Luc, xii, 31.
  3. Luc, xvii, 20-21. La traduction « au dedans de vous » est moins exacte, bien qu’elle ne s’écarte pas de la pensée de Jésus en cet endroit.
  4. La grande théorie de l’apocalypse du Fils de l’homme est, en effet, réservée, dans les synoptiques, pour les chapitres qui pré-