Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/214

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dessus de l’étude même de la Loi[1] ! Jésus seul, néanmoins, dit la chose d’une manière efficace. Jamais on n’a été moins prêtre que ne le fut Jésus, jamais plus ennemi des formes qui étouffent la religion sous prétexte de la protéger. Par là, nous sommes tous ses disciples et ses continuateurs ; par là, il a posé une pierre éternelle, fondement de la vraie religion, et, si la religion est la chose essentielle de l’humanité, par là il a mérité le rang divin qu’on lui a décerné. Une idée absolument neuve, l’idée d’un culte fondé sur la pureté du cœur et sur la fraternité humaine, faisait par lui son entrée dans le monde ; idée tellement élevée, que l’Église chrétienne devait sur ce point trahir complétement les intentions de son chef, et que, même de nos jours, quelques âmes seulement sont capables de s’y prêter.

Un sentiment exquis de la nature lui fournissait à chaque instant des images expressives. Quelquefois une finesse remarquable, ce que nous appelons de l’esprit, relevait ses aphorismes ; d’autres fois, leur forme vive tenait à l’heureux emploi de proverbes populaires. « Comment peux-tu dire à ton frère : « Permets que j’ôte cette paille de ton œil, » toi qui as une poutre dans le tien ! Hypocrite ! ôte d’abord

  1. Talmud de Jérusalem, Péah, i, 1.