Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/243

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lonté héroïque, il se croit tout-puissant. Si la terre ne se prête pas à cette transformation suprême, la terre sera broyée, purifiée par la flamme et le souffle de Dieu. Un ciel nouveau sera créé, et le monde entier sera peuplé d’anges de Dieu[1].

Une révolution radicale[2], embrassant jusqu’à la nature elle-même, telle fut donc la pensée fondamentale de Jésus. Dès lors, sans doute, il avait renoncé à la politique ; l’exemple de Juda le Gaulonite lui avait montré l’inutilité des séditions populaires. Jamais il ne songea à se révolter contre les Romains et les tétrarques. Le principe effréné et anarchique du Gaulonite n’était pas le sien. Sa soumission aux pouvoirs établis, dérisoire au fond, était complète dans la forme. Il payait le tribut à César pour ne pas scandaliser. La liberté et le droit ne sont pas de ce monde ; pourquoi troubler sa vie par de vaines susceptibilités ? Méprisant la terre, convaincu que le monde présent ne mérite pas qu’on s’en soucie, il se réfugiait dans son royaume idéal ; il fondait cette grande doctrine du dédain transcendant[3], vraie doc-

  1. Matth., xxii, 30. Comparez le mot de Jésus rapporté dans l’épitre de Barnabé, 6 : Ἰδοὺ ποιῶ τὰ ἔσχατα ὡς τὰ πρῶτα (édit. Hilgenfeld, p. 18).
  2. Ἀποκατάστασις πάντων. Act., iii, 21.
  3. Matth., xvii, 23-26 ; xxii, 16-22.