Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/252

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ger un moment qu’il y ait là matière à rougir[1]. Mais jamais la tentative de se substituer aux puissants et aux riches ne se montre chez lui. Il veut anéantir la richesse et le pouvoir, non s’en emparer. Il prédit à ses disciples des persécutions et des supplices[2] ; mais pas une seule fois la pensée d’une résistance armée ne se laisse entrevoir. L’idée qu’on est tout-puissant par la souffrance et la résignation, qu’on triomphe de la force par la pureté du cœur, est bien une idée propre à Jésus. Jésus n’est pas un spiritualiste ; car tout aboutit pour lui à une réalisation palpable. Mais c’est un idéaliste accompli, la matière n’étant pour lui que le signe de l’idée, et le réel l’expression vivante de ce qui ne paraît pas.

À qui s’adresser, de qui réclamer l’aide pour fonder le règne de Dieu. Jésus n’hésita jamais sur ce point. Ce qui est haut pour les hommes est en abomination aux yeux de Dieu[3]. Les fondateurs du royaume de Dieu seront les simples. Pas de riches, pas de docteurs, pas de prêtres ; des femmes, des hommes du peuple, des humbles, des petits[4]. Le

  1. Matth., x, 17-18 ; Luc, xii, 11.
  2. Matth., v, 10 et suiv. ; x entier ; Luc, vi, 22 et suiv. ; Jean, xv, 18 et suiv. ; xvi, 2 et suiv., 20, 33 ; xvii, 14.
  3. Luc, xvi, 15.
  4. Matth., v, 3, 10 ; xviii, 3 ; xix, 14, 23-24 ; xx, 16 ; xxi, 31 ;