Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/288

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Gaulonite, soutenait que le payer était un acte de paganisme. Aussi les douaniers étaient-ils abhorrés des zélateurs de la Loi. On ne les nommait qu’en compagnie des assassins, des voleurs de grand chemin, des gens de vie infâme[1]. Les juifs qui acceptaient de telles fonctions étaient excommuniés et devenaient inhabiles à tester ; leur caisse était maudite, et les casuistes défendaient d’aller y changer de l’argent[2]. Ces pauvres gens, mis au ban de la société, se voyaient entre eux. Jésus accepta un dîner que lui offrit Lévi, et où il y avait, selon le langage du temps, « beaucoup de douaniers et de pécheurs ». Ce fut un grand scandale[3] ; dans ces maisons mal famées, on risquait de rencontrer de la mauvaise société. Nous le verrons souvent ainsi, peu soucieux de choquer les préjugés des gens bien pensants, chercher à relever les classes humiliées par les orthodoxes et s’exposer de la sorte aux plus vifs reproches des dévots. Le pharisaïsme avait mis le salut au prix d’observances sans fin et d’une sorte de « respec-

  1. Matth., v, 46-47 ; ix, 10, 11 ; xi, 19 ; xviii, 17 ; xxi, 31-32 ; Marc, ii, 15-16 ; Luc, v, 30 ; vii, 34 ; xv, 1 ; xviii, 11 ; xix, 7 ; Lucien, Necyomant., 11 ; Dio Chrysost., orat. iv, p. 85 ; orat. xiv, p. 269 (édit. Emperius) ; Mischna, Nedarim, iii, 4.
  2. Mischna, Baba kama, x, 1 ; Talmud de Jérusalem. Demaï, ii, 3 ; Talmud de Bab., Sanhédrin, 25 b.
  3. Luc, v, 29 et suiv.