Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/297

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d’eux ? Quel est celui d’entre vous qui, à force de soucis, peut ajouter une coudée à sa mesure ? Et quant aux habits, pourquoi vous en mettre en peine ? Considérez les lis des champs ; ils ne travaillent ni ne filent. Cependant, je vous le dis, Salomon dans toute sa gloire n’était pas vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu prend soin de vêtir de la sorte une herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, que ne fera-t-il point pour vous, gens de peu de foi ? Ne dites donc pas avec anxiété : « Que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? » Ce sont les païens qui se préoccupent de toutes ces choses ; votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Mais cherchez premièrement le royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît. Ne vous souciez pas de demain ; demain se souciera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine[1] »

Ce sentiment essentiellement galiléen eut sur la destinée de la secte naissante une influence décisive. La troupe heureuse, se reposant sur le Père céleste de tout ce qui tenait à la satisfaction de ses besoins, avait pour première règle de regarder les soucis de

  1. Matth., vi, 19-21, 24-34 ; Luc, xii, 22-31, 33-34 ; xvi, 13. Comparez les préceptes Luc, x, 7-8, empreints de la même naïveté, et Talmud de Babylone, Sota, 48 b.