Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« monde », qui est la condition des grandes choses et de la grande originalité. Il ne pardonnait au riche que quand le riche, par suite de quelque préjugé, était mal vu de la société[1]. Il préférait hautement les gens de vie équivoque et de peu de considération aux notables orthodoxes. « Des publicains et des courtisanes, leur disait-il, vous précéderont dans le royaume de Dieu. Jean est venu ; des publicains et des courtisanes ont cru en lui, et malgré cela vous ne vous êtes pas convertis[2]. » On comprend combien le reproche de n’avoir pas suivi le bon exemple que leur donnaient des filles de joie devait être sanglant pour des gens faisant profession de gravité et d’une morale rigide.

Il n’avait aucune affectation extérieure, ni montre d’austérité. Il ne fuyait pas la joie, il allait volontiers aux divertissements des mariages. Un de ses miracles fut fait, dit-on, pour égayer une noce de petite ville. Les noces en Orient ont lieu le soir. Chacun porte une lampe ; les lumières qui vont et viennent font un effet très-agréable. Jésus aimait cet aspect gai et animé, et tirait de là des paraboles[3]. Quand on comparait une telle conduite à celle de

  1. Luc, xix, 2 et suiv.
  2. Matth., xxi, 31-32.
  3. Ibid., xxv, 1 et suiv.