Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/370

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plus souvent il n’avait pas connaissance de ces exagérations. Ajoutons que, durant les trois premiers siècles, des fractions considérables du christianisme[1] nièrent obstinément la descendance royale de Jésus et l’authenticité des généalogies.

Sa légende était ainsi le fruit d’une grande conspiration toute spontanée, et s’élaborait autour de lui de son vivant. Aucun grand événement de l’histoire ne s’est passé sans donner lieu à un cycle de fables, et Jésus n’eût pu, quand il l’eût voulu, arrêter ces créations populaires. Peut-être un œil sagace eût-il su reconnaître dès lors le germe des récits qui devaient lui attribuer une naissance surnaturelle[2], soit en vertu de cette idée, fort répandue dans l’antiquité, que l’homme hors ligne ne peut être né des relations ordinaires des deux sexes ; soit pour répondre à un chapitre mal entendu d’Isaïe[3] où l’on croyait lire

  1. Les ébionim, les « hébreux », les « nazaréens », Tatien, Marcion. Cf. Épiph., Adv. hær., xxix, 9 ; xxx, 3, 14 ; xlvi, 1 ; Théodoret, Hæret. fab., I, 20 ; Isidore de Péluse, Epist., I, 371, ad Pansophium.
  2. Matth., i, 18 et suiv. ; Luc, i, 26 et suiv. Ce ne fut certainement pas là au 1er siècle un dogme universel, puisque Jésus est appelé sans réserve « fils de Joseph », et que les deux généalogies destinées à le rattacher à la lignée de David sont des généalogies de Joseph. Comp. Gal., iv, 4 ; Rom., i, 3.
  3. Is., vii, 14. Comp. Matth., i, 22-23.