Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/380

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essentiel du Verbe est celui de créateur et de providence ; or, Jésus ne prétendit jamais avoir créé le monde ni le gouverner. Son rôle sera de le juger, de le renouveler. La qualité de président des assises finales de l’humanité, tel est le ministère que Jésus s’attribue, l’office que tous les premiers chrétiens lui prêtèrent[1]. Jusqu’au grand jour, il siége à la droite de Dieu comme son métatrône, son premier ministre et son futur vengeur[2]. Le Christ surhumain des absides byzantines, assis en juge du monde, au milieu des apôtres, analogues à lui et supérieurs aux anges qui ne font qu’assister et servir, est la très exacte représentation figurée de cette conception du « Fils de l’homme », dont nous trouvons les premiers traits déjà si fortement indiqués dans le livre de Daniel.

En tout cas, la rigueur d’une scolastique réfléchie n’était nullement d’un tel monde. Tout l’ensemble d’idées que nous venons d’exposer formait dans l’esprit des disciples un système théologique si peu arrêté, que le Fils de Dieu, cette espèce de dédoublement

  1. Act., x, 42 ; Rom., ii, 16 ; II Cor., v, 10.
  2. Matth., xxvi, 64 ; Marc, xvi, 19 ; Luc, xxii, 69 ; Act., vii, 55 ; Rom., viii, 34 ; Éphés., i, 20 ; Coloss., iii, 1 ; Hébr., i, 3, 13 ; viii, 1 ; x, 12 ; xii, 2 ; Ire Épître de S. Pierre, iii, 22. V. les passages précités sur le rôle du métatrône juif.