Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/397

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tère de Jésus, nous ne devons pas supprimer des faits qui, aux yeux de ses contemporains, furent placés sur le premier plan[1]. Il serait commode de dire que ce sont là des additions de disciples bien inférieurs à leur maître, qui, ne pouvant concevoir sa vraie grandeur, ont cherché à le relever par des prestiges indignes de lui. Mais les quatre narrateurs de la vie de Jésus sont unanimes pour vanter ses miracles ; l’un d’eux, Marc, interprète de l’apôtre Pierre[2], insiste tellement sur ce point que, si l’on traçait le caractère du Christ uniquement d’après son Évangile, on se représenterait Jésus comme un exorciste en possession de charmes d’une rare efficacité, comme un sorcier très-puissant, qui fait peur et dont on aime à se débarrasser[3]. Nous admettrons donc sans hésiter que des actes qui seraient maintenant considérés comme des traits d’illusion ou de folie ont tenu une grande place dans la vie de Jésus. Faut-il sacrifier à ce côté ingrat le côté sublime d’une telle vie ? Gar-

  1. Josèphe, Ant., XVIII, iii, 3.
  2. Papias, dans Eusèbe, Hist. eccl., III, 39.
  3. Marc, vi, 40 ; v, 15, 17, 33 ; vi, 49, 50 ; x, 32. Cf. Matth., viii, 27, 34 ; ix, 8 ; xiv, 27 ; xvii, 6-7 ; Luc, iv, 36 ; v, 17 ; viii, 25, 35, 37 ; ix, 34. L’Évangile apocryphe dit de Thomas l’Israélite porte ce trait jusqu’à la plus choquante absurdité. Comparez les Miracles de l’enfance, dans Thilo, Cod. apocr. N. T., p. cx, note.