Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/399

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Les faiblesses de l’esprit humain n’engendrent que faiblesse ; les grandes choses ont toujours de grandes causes dans la nature de l’homme, bien que souvent elles se produisent avec un cortége de petitesses qui, pour les esprits superficiels, en offusquent la grandeur.

Dans un sens général, il est donc vrai de dire que Jésus ne fut thaumaturge et exorciste que malgré lui. Comme cela arrive toujours dans les grandes carrières divines, il subissait les miracles que l’opinion exigeait, bien plus qu’il ne les faisait. Le miracle est d’ordinaire l’œuvre du public et non de celui à qui on l’attribue. Jésus se fût obstinément refusé à faire des prodiges, que la foule en eût créé pour lui ; le plus grand miracle eût été qu’il n’en fît pas ; jamais les lois de l’histoire et de la psychologie populaire n’eussent subi une plus forte dérogation. Il n’était pas plus libre que saint Bernard, que saint François d’Assise de modérer l’avidité de la foule et de ses propres disciples pour le merveilleux. Les miracles de Jésus furent une violence que lui fit son siècle, une concession que lui arracha la nécessité passagère. Aussi l’exorciste et le thaumaturge sont tombés, tandis que le réformateur religieux vivra éternellement.

Même ceux qui ne croyaient pas en lui étaient