Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/428

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voirs surnaturels étaient, si l’on ose ainsi dire, passés en métier. Poussant jusqu’au bout la logique de l’absurde, certaines gens chassaient les démons par Béelzébub[1], prince des démons. On se figurait que ce souverain des légions infernales devait avoir toute autorité sur ses subordonnés, et qu’en agissant par lui on était sûr de faire fuir l’esprit intrus[2]. Quelques-uns cherchaient même à acheter des disciples de Jésus le secret des dons miraculeux qui leur avaient été conférés[3].

Un germe d’Église commençait dès lors à paraître. Cette idée féconde du pouvoir des hommes réunis (ecclesia) semble bien une idée de Jésus. Plein de sa doctrine tout idéaliste, que ce qui fait la présence des âmes, c’est l’union par l’amour, il déclarait que, toutes les fois que quelques hommes s’assembleraient en son nom, il serait au milieu d’eux. Il confie à l’Église le droit de lier et de délier (c’est-à-dire de rendre certaines choses licites ou illicites), de remettre les péchés, de réprimander, d’avertir avec autorité, de prier avec certitude d’être exaucée[4]. Il est possible que beaucoup de ces paroles aient été prêtées au

  1. Ancien dieu des Philistins, transformé par les Juifs en démon.
  2. Matth., xii, 24 et suiv.
  3. Act., viii, 18 et suiv.
  4. Matth., xviii, 17 et suiv. ; Jean, xx, 23.