Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pensée que le croyant vit de lui, que tout entier (corps, sang et âme) lui Jésus est la vie du vrai fidèle, il disait à ses disciples : « Je suis votre nourriture, » phrase qui, tournée en style figuré, devenait : « Ma chair est votre pain, mon sang est votre breuvage. » Puis les habitudes de langage de Jésus, toujours fortement substantielles, l’emportaient plus loin encore. À table, montrant l’aliment, il disait : « Me voici ; » tenant le pain : « Ceci est mon corps ; » tenant le vin : « Ceci est mon sang ; » toutes manières de parler qui étaient l’équivalent de « Je suis votre nourriture ».

Ce rite mystérieux obtint du vivant de Jésus une grande importance. Il était probablement établi assez longtemps avant le dernier voyage à Jérusalem, et il fut le résultat d’une doctrine générale bien plus que d’un acte déterminé. Après la mort de Jésus, il devint le grand symbole de la communion chrétienne[1], et ce fut au moment le plus solennel de la vie du Sauveur qu’on en rapporta l’établissement. On voulut voir dans la consécration du pain et du vin un mémorial d’adieu que Jésus, au moment de quitter la vie, aurait laissé à ses disciples[2]. On

  1. Act., ii, 42, 46.
  2. Luc, xxii, 19 ; I Cor., xi, 20 et suiv. ; Justin, Dial. cum Tryph., 41, 70 ; Apol. I, 66.