Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/499

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C’est dans la bouche de Caïphe que l’auteur du quatrième Évangile tient à placer le mot décisif qui amena la sentence de mort de Jésus[1]. On supposait que le grand prêtre possédait un certain don de prophétie ; le mot devint ainsi pour la communauté chrétienne un oracle plein de sens profonds. Mais un tel mot, quel que soit celui qui l’ait prononcé, fut la pensée de tout le parti sacerdotal. Ce parti était fort opposé aux séditions populaires. Il cherchait à arrêter les enthousiastes religieux, prévoyant avec raison que, par leurs prédications exaltées, ils amèneraient la ruine totale du pays. Bien que l’agitation provoquée par Jésus n’eût rien de temporel, les prêtres virent comme conséquence dernière de cette agitation une aggravation du joug romain et le renversement du temple, source de leurs richesses et de leurs honneurs[2]. Certes, les causes qui devaient amener, trente-sept ans plus tard, la ruine de Jérusalem étaient ailleurs que dans le christianisme naissant. Cependant, on ne peut dire que le motif allégué en cette circonstance par les prêtres fût tellement hors de la vraisemblance qu’il faille y voir de la mauvaise foi. En un sens général, Jésus, s’il réussissait, amenait bien réellement la ruine de la nation juive. Par-

  1. Jean, xi, 49-50. Cf. ibid., xviii, 14.
  2. Ibid., xi, 48.