Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/510

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jardin de Gethsémani. Jésus, disait-on, s’éloigna à un jet de pierre de ses disciples endormis, ne prenant avec lui que Céphas et les deux fils de Zébédée. Alors, il pria la face contre terre. Son âme fut triste jusqu’à la mort ; une angoisse terrible pesa sur lui ; mais la résignation à la volonté divine l’emporta[1]. Cette scène, par suite de l’art instinctif qui a présidé à la rédaction des synoptiques, et qui les fait souvent obéir dans l’agencement du récit à des raisons de convenance ou d’effet, a été placée à la dernière nuit de Jésus, et au moment de son arrestation. Si une telle version était la vraie, on ne comprendrait guère que Jean, qui aurait été le témoin intime d’un fait si émouvant, n’en eût point parlé à ses disciples, et que le rédacteur du quatrième Évangile n’eût pas relevé cet épisode dans le récit très-circonstancié qu’il fait de la soirée du jeudi[2]. Tout ce qu’il est permis de dire, c’est que, durant ses derniers jours, le poids énorme de la mission qu’il

  1. Matth., xviii, 36 et suiv. ; Marc, xiv, 32 et suiv. ; Luc, xxii, 39 et suiv.
  2. Cela se comprendrait d’autant moins que le rédacteur du quatrième Évangile met une sorte d’affectation à relever les circonstances qui sont personnelles à Jean ou dont il a été le seul témoin (i, 35 et suiv. ; xiii, 23 et suiv. ; xviii, 15 et suiv. ; xix, 26 et suiv., 35 ; xx, 2 et suiv. ; xxi, 20 et suiv.).