Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/535

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

constructions romaines, même les plus utiles, étaient de la part des Juifs zélés l’objet d’une grande antipathie[1]. Deux écussons votifs, avec des inscriptions, que Pilate avait fait apposer à sa résidence, laquelle était voisine de l’enceinte sacrée, provoquèrent un orage encore plus violent[2]. Le procurateur tint d’abord peu de compte de ces susceptibilités ; il se vit ainsi engagé dans des répressions sanglantes[3], qui plus tard finirent par amener sa destitution[4]. L’expérience de tant de conflits l’avait rendu fort prudent dans ses rapports avec un peuple intraitable, qui se vengeait de ses maîtres en les obligeant à user envers lui de rigueurs odieuses. Il se voyait avec un suprême déplaisir amené à jouer en cette nouvelle affaire un rôle de cruauté, pour une loi qu’il haïssait[5]. Il savait que le fanatisme religieux, quand il a obtenu quelque violence des gouvernements civils, est ensuite le premier à en faire peser sur eux la responsabilité, presque à les en accuser. Suprême injustice ; car le vrai coupable, en pareil cas, est l’instigateur !

  1. Talm. de Bab., Schabbath, 33 b.
  2. Philon, Leg. ad Caïum, § 38.
  3. Jos., Ant., XVIII, iii, 1 et 2 ; Bell. Jud., II, ix, 2 et suiv. ; Luc, xiii, 1.
  4. Jos., Ant., XVIII, iv, 1-2.
  5. Jean, xviii, 35.