Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/536

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Pilate eût donc désiré sauver Jésus. Peut-être l’attitude calme de l’accusé fit-elle sur lui de l’impression. Selon une tradition[1], peu solide il est vrai, Jésus aurait trouvé un appui dans la propre femme du procurateur, laquelle prétendit avoir eu à son sujet un rêve pénible. Elle avait pu entrevoir le doux Galiléen de quelque fenêtre du palais, donnant sur les cours du temple. Peut-être le revit-elle en songe, et le sang de ce beau jeune homme, qui allait être versé, lui donna-t-il le cauchemar. Ce qu’il y a de certain, c’est que Jésus trouva Pilate prévenu en sa faveur. Le gouverneur l’interrogea avec bonté et avec l’intention de chercher tous les moyens de le renvoyer absous.

Le titre de « roi des Juifs », que Jésus ne s’était jamais attribué, mais que ses ennemis présentaient comme le résumé de son rôle et de ses prétentions, était naturellement le meilleur prétexte pour exciter les ombrages de l’autorité romaine. C’est par ce côté, comme séditieux et comme coupable de crime d’État, qu’on se mit à l’accuser. Rien n’était plus injuste ; car Jésus avait toujours reconnu l’empire romain pour le pouvoir établi. Mais les partis religieux conservateurs n’ont pas coutume de reculer devant la calomnie. On tirait malgré lui toutes les conséquences de sa doc-

  1. Matth., xxii, 19.