Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/544

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mable que Pilate ; car il représentait un pouvoir plus complet que n’était à Jérusalem, vers l’an 33, celui des Romains. Quand le pouvoir civil se fait persécuteur ou tracassier, à la sollicitation du prêtre, il fait preuve de faiblesse. Mais que le gouvernement qui à cet égard est sans péché jette à Pilate la première pierre. Le « bras séculier », derrière lequel s’abrite la cruauté cléricale, n’est pas le coupable. Nul n’est admis à dire qu’il a horreur du sang, quand il le fait verser par ses exécuteurs.

Ce ne furent donc ni Tibère ni Pilate qui condamnèrent Jésus. Ce fut le vieux parti juif ; ce fut la loi mosaïque. Selon nos idées modernes, il n’y a nulle transmission de démérite moral du père au fils ; chacun ne doit compte à la justice humaine et à la justice divine que de ce qu’il a fait. Tout juif, par conséquent, qui souffre encore aujourd’hui pour le meurtre de Jésus a droit de se plaindre ; car peut-être eût-il été Simon le Cyrénéen ; peut-être au moins n’eût-il pas été avec ceux qui crièrent : « Crucifiez-le ! » Mais les nations ont leur responsabilité comme les individus. Or, si jamais crime fut le crime d’une nation, c’est la mort de Jésus. Cette mort fut « légale », en ce sens qu’elle eut pour cause première une loi qui était l’âme même de la nation. La loi mosaïque, dans sa forme moderne, il est vrai, mais